Chronique marine : Dans la famille des échinodermes, je voudrais… l’étoile de mer !

Chronique marine : Dans la famille des échinodermes, je voudrais… l’étoile de mer !

Le 15 décembre 2021

La murène, le mérou… Je vous ai auparavant décrit des espèces avec lesquelles la plupart d’entre vous n’ont pas forcement d’affinité. Du coup, aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler d’un animal marin qui a meilleure presse : l’étoile de mer.
Pour autant, quelles sont vos connaissances sur cette dernière ? La plupart s’accorderont à dire qu’il s’agit bien d’un animal (enfin, j’espère…). Mais à quel embranchement appartient-il ? Mollusques, éponges, vertébrés ? Où sont les yeux ? Où est la bouche ?
Calm down, je suis ici pour répondre aux questions que vous ne vous êtes jamais posées.
L’étoile de mer appartient aux échinodermes (du grec « echino », épineux et « derm », peau, donc littéralement « peau épineuse »). Cet embranchement d’animaux présente une incroyable diversité et finalement, pour commencer par la base, cet article sera dédié à cette grande famille.

Les échinodermes regroupent actuellement cinq classes :

  • les étoiles de mer,
  • les oursins,
  • les holothuries (ou concombres de mer, qui malgré leur nom, n’ont que la forme en commun avec la cucurbitacée),
  • les crinoïdes (ou lys de mer, qui ressemblent véritablement à des fleurs sous-marines, comme les comatules),
  • les ophiures (dont le gorgonocéphale, Astrospartus mediterraneus, littéralement « tête de méduse »).

    Ophiure

    Ophiure

Holothurie

Holothurie

Comatule

Comatule

 

L’un des plus anciens textes scientifiques concernant les échinodermes remonte à Aristote. Dans son Histoire des Animaux (vers -343), il y décrit succinctement les étoiles de mer et plus longuement les oursins, et nomme un animal « holothurie ». Ce nom sera conservé par la suite pour nommer les concombres de mer. « Animal légèrement différent des éponges, immobile, dépourvu de perception, dont la vie ressemble à celle d’une plante mais non attachée » (on voit bien que pour lui non plus, ce n’était pas très clair). Le nom du philosophe sera par la suite attribué à l’appareil masticateur des oursins, à travers une métaphore de son cru : la « lanterne d’Aristote ».

Les échinodermes sont essentiellement benthiques (ils vivent sur le fond, peu importe la profondeur). Abondants dans toutes les mers, ils peuplent aussi bien les eaux côtières que les grands fonds. On compte environ 7 000 espèces aujourd’hui. Leur taille varie de quelques centimètres à plus d’un mètre. (Oui, oui vous avez bien lu, plus d’un mètre.)


Les records

Le plus long échinoderme connu est l’holothurie serpentiforme, Synapta maculata, qui peut atteindre 3 mètres de long, pour seulement quelques centimètres de large (et un poids très limité, sa densité étant à peine supérieure à celle de l’eau).

Les échinodermes les plus lourds atteignent 6 kg : ce poids a été mesuré chez certaines étoiles du genre Thromidia et l’holothurie géante Thelenota anax.

L’échinoderme vivant le plus profond est sans doute une holothurie (concombre de mer, si je dois le rappeler), l’espèce Myriotrochus bruuni collectée à 10 687 mètres de profondeur, dans la Fosse des Mariannes (située au sud du Japon, c’est la fosse océanique la plus profonde connue, environ 11 000 m de profondeur).


Une centaine d’espèces en Méditerranée

Les échinodermes sont exclusivement marins. Ils peuplent pratiquement toutes les mers du globe, depuis la surface jusqu’aux abysses. Ils font partie des groupes d’animaux supérieurs les plus représentés dans les profondeurs abyssales. Ils jouent un rôle majeur dans les processus biologiques des milieux benthiques, notamment en ce qui concerne le recyclage des déchets.

On compte une centaine d’espèces en Méditerranée occidentale, toutes profondeurs confondues, réparties en :

  • 22 espèces d’étoiles de mer,
  • 23 espèces d’ophiures,
  • 2 espèces de crinoïdes,
  • 22 espèces d’oursins,
  • 31 espèces d’holothuries.

Question reproduction

Toutes ont des sexes séparés. Cela signifie simplement qu’il y a des individus mâles et des individus femelles. Mais il n’existe pas de différence morphologique externe visible entre les deux (ou dimorphisme sexuel). D’ailleurs, j’en profite pour insister sur ce point et vous annoncer que la couleur extérieure d’un oursin ne vous informe absolument pas sur son sexe. Si vous avez entendu dire qu’un oursin violet est une femelle, et un oursin noir, un mâle, eh bien c’est faux, désolée. (Chronique engagée : ça dénonce, ça dénonce !)
La plupart des espèces émettent une grande quantité de gamètes (jusqu’à plusieurs millions d’œufs peuvent être fécondés en une seule reproduction) : le sperme et les ovocytes sont libérés dans le milieu de manière synchrone grâce à un signal phéromonal. La fécondation a ensuite lieu au hasard dans l’eau.

Petite parenthèse : si vous observez un jour tous les concombres de mer se dresser autour de vous – ce qui peut être limite inquiétant de prime abord (oui, c’est du vécu !) – sachez que vous avez la chance de tomber pile au moment de leur reproduction.

Les larves planctoniques dérivent en pleine eau, livrées à elles-mêmes, comme beaucoup d’espèces marines. Après quelques métamorphoses, elles se rapprochent du fond, s’y déposent et entament leur dernière métamorphose en juvéniles.

L’adulte, lui, est donc posé sur le fond (= benthique). Les adultes peuvent être fixés sur le fond (= sessile – attention toutes les Cécile ne sont pas fixées, sur le fond ça n’a rien à voir) où ils se nourrissent en filtrant l’eau, ou capables de se déplacer (= vagile). Certaines ophiures et étoiles de mer carnivores sont même capables de mouvements assez rapides.

Certaines espèces ont adopté des modes de reproduction particuliers : autofécondation (oui vous avez bien lu, certains animaux marins sont capables de se reproduire seuls), reproduction par division (chez les étoiles et les holothuries), etc.
C’est le cas par exemple de l’étoile de mer épineuse, Coscinasterias tenuispina, qui est capable de régénérer une étoile entière à partir d’un tout petit fragment de bras (on peut alors trouver dans l’eau une sorte de comète, une toute petite étoile avec un gros bras). Ce phénomène est lié à leur impressionnante capacité de régénération (ou autotomie, déjà abordée dans la chronique marine sur l’Élysie timide).


Une disposition en étoile

Etoile de mer rouge

Etoile de mer rouge

Très originaux, les représentants de ce groupe possèdent un certain nombre de caractéristiques uniques dans le monde animal. La caractéristique majeure du groupe est leur symétrie en forme d’étoile (dite pentaradiée ou symétrie centrale d’ordre 5), qui est présente au moins au cours du développement.
Flagrante pour l’étoile de mer (la plupart du temps), elle est visible sur certains squelettes d’oursins, ou sur le concombre si vous le découpez en tranches (faites-moi simplement confiance, ne le faites pas, évidement).

Les échinodermes n’ont pas de tête différenciée. L’animal présente une face orale (coté bouche, généralement sous l’animal) et une face aborale (coté anus), où se situent les gonades et l’appareil respiratoire (sans commentaire).

Test d'oursin

Test d’oursin

Autre caractéristique des échinodermes, l’existence d’un squelette constitué de plaques osseuses articulées (comme chez les étoiles, ophiures ou crinoïdes) ou soudées et percées de nombreux petits trous (comme chez l’oursin). Dans ce cas, on appelle ce squelette le « test ». Parfois utilisé comme élément de décoration, vous pouvez tout à fait en trouver sous l’eau, de couleurs variables selon les espèces. Ils peuvent être blancs, roses ou verts par exemple. Si vous l’observez attentivement, vous pouvez remarquer de manière assez distincte la forme d’une étoile de mer sur ces squelettes, preuve de leur organisation interne de la même forme.
Pour les mangeurs d’oursins (enfin, de gonades d’oursins, donc des glandes génitales qui produisent ovules et spermatozoïdes… chacun ses goûts), vous avez sûrement pu observer cette disposition en étoile.

Leur système vasculaire est réduit et relativement ouvert, sans organe pulsatile (les étoiles sont sans cœur). Ils disposent en plus d’un système aquifère propre à ce groupe, qui assure quelques-unes des fonctions du sang et quelques autres : échanges gazeux, nutrition etlocomotion (par jeu de pression dans leurs petits pieds ou « podia » munis de petites ventouses).


Des animaux importants pour l’équilibre du milieu marin

Les différentes espèces d’échinodermes ont adopté une incroyable variété de régimes alimentaires. Ils peuvent être :

  • prédateurs carnivores (principalement les étoiles de mer, mais aussi certains oursins et ophiures), charognards (étoiles, oursins et ophiures),
  • brouteurs herbivores (la plupart des oursins),
  • dépositivores, se nourrissant à partir de matière organique particulaire déposée sur le fond (oursins, holothuries, ophiures),
  • fouisseurs (oursins irréguliers),
  • filtreurs (crinoïdes, holothuries).

Leur bouche est généralement très développée et adaptée au régime avec, par exemple chez les oursins, une puissante mâchoire avec de grosses dents (la fameuse lanterne d’Aristote).

Cette grande diversité en fait des animaux extrêmement importants dans les cycles biologiques marins, présents à tous les niveaux trophiques en grande abondance. Ainsi, leurs fluctuations de populations sont susceptibles d’avoir des effets dramatiques sur tout l’écosystème.
Certains concombres de mer, par exemple, jouent un rôle crucial dans les mers et océans. Véritables lombrics marins, ils passent leur temps à nettoyer le sable en l’ingurgitant, gardant toute la matière organique et rejetant du sable tout propre.

Peu d’échinodermes sont dangereux pour l’homme : on ne connaît qu’une ou deux étoiles de mer venimeuses, et quelques familles d’oursins : seule une espèce d’oursin semble pouvoir être occasionnellement mortelle pour l’Homme, l’oursin-fleur Toxopneustes pileolus. Mais rassurez-vous, aucun n’est présent en Méditerranée !

J’ai cité à plusieurs reprises l’importance de tous ces animaux pour l’équilibre du milieu marin. Donc même si l’anthropomorphisme n’est pas évident avec ces petits aliens aquatiques, il s’agit là d’animaux fragiles et qui respirent uniquement sous l’eau. Je vous invite donc à les découvrir en les observant directement dans leur milieu, et donc : Ne les sortez pas de l’eau ! (Même si vous trouvez le résultat charmant sur votre story Instagram.)
Enfin si vous êtes consommateurs d’oursins, je vous rappelle que pour toute pêche ou chasse d’animaux marins, il existe des règlementations. Elles peuvent évoluer chaque année et être différentes selon les espèces, la période de l’année, le lieu, la quantité, la méthode de pêche, la maille (taille minimale autorisée)… Donc, s’il vous plait, renseignez-vous ! Constatant une raréfaction des oursins, dans le Var en particulier, la période et la quantité de pêche a notamment été modifiée cette année. Ces mesures permettent une pêche plus durable afin de préserver les espèces, en leur permettant notamment de se reproduire correctement et donc aux populations de se renouveler.

L’équipe du sentier marin, qui a hâte de vous retrouver dans l’eau au mois de juin, vous souhaite à tous un très joyeux noël !

Sarah Muttoni
Guide-animatrice sentier marin au Domaine du Rayol

© Photo couverture : Sarah Muttoni