Sujet d’automne : parlons champignons !

Sujet d’automne : parlons champignons !

Le 26 novembre 2019

Les pluies d’automne… Après une longue période sèche, ces pluies salvatrices, bien que parfois violentes, annoncent le réveil de la nature. Tandis que certains préfèrent rester au chaud et au sec, beaucoup s’équipent et partent en forêt. Car l’humidité de l’automne est propice à l’émergence du peuple des sous-bois…
Ne vous y trompez pas, il n’est pas question d’animaux ! Toutefois, dans cette rubrique, nous allons aborder un sujet légèrement… différent. Ce mois-ci, exceptionnellement, détournons-nous un peu des plantes pour partir à la rencontre des champignons.


Tout un règne…

Tout d’abord, une question simple, mais à la réponse complexe : un champignon, c’est quoi ?

Champignons

Leratiomyces ceres, sur un chemin de paillis végétal

« Une sorte de plante » diront certains. Il est vrai que l’on peut y trouver quelques similitudes à voir ces organismes immobiles qui poussent sur le sol ou les arbres. Mais plusieurs différences sont à noter. Le champignon ne possède pas de chlorophylle, ce fameux pigment qui donne leur verdure aux plantes et surtout leur permet de pratiquer la photosynthèse, grâce à laquelle elles synthétisent elles-mêmes leur énergie. Pour les plantes, on parle d’organismes autotrophes. De plus, les champignons ne possèdent pas de racine dans le sens biologique du terme.
Donc, le champignon n’est pas une plante.

« Un animal alors ? » Aussi surprenant que cela paraisse, les champignons possèdent des caractéristiques communes aux nôtres. On retrouve chez eux de la chitine, une composante de la carapace des crustacés et du corps des insectes. De plus, pour fabriquer l’énergie dont ils ont besoin, les champignons doivent consommer d’autres organismes, de la même manière que les animaux. Les champignons, tout comme nous, sont donc des organismes hétérotrophes.
Mais ce ne sont pas des animaux.

Alors au final, un champignon, c’est quoi ?
Sachez tout d’abord que sur le plan scientifique, un champignon n’est pas un être vivant à lui seul. En effet, le terme « champignon » ne désigne que la partie la plus visible de cet être vivant. En réalité, ce que l’on aperçoit et désigne comme un champignon n’est qu’un organe reproducteur, que l’on appelle le sporophore. Le « reste », à savoir l’ensemble des organes vitaux, se présente sous la forme d’un réseau de filaments, invisible la plupart du temps. On nomme ce réseau le mycélium.

Finalement, comment appelle-t-on cet être, composé d’un champignon (sporophore) et d’un corps filamenteux (mycélium) ? On appelle ceci un mycète.
Pour résumer, dites-vous qu’au même titre que le chien est un animal, que le mimosa est une plante, le cèpe est un mycète. Les mycètes constituent ainsi un premier palier de classification des êtres vivants. On parle ici du règne* fongique (ou règne des mycètes).


Chapeau bas !

Comme nous l’avons vu précédemment, la partie visible des mycètes, c’est le fameux champignon, formé d’un pied terminé par un chapeau. Une simple balade en forêt suffit pour constater que le monde des mycètes est extrêmement varié, tant les champignons rencontrés sont diversifiés en tailles, formes et couleurs. Chaque champignon est propre à une espèce de mycète précise.

Parmi les innombrables exemples, citons les fameux cèpes, dont le cèpe de Bordeaux (Boletus edulis). Comment ne pas parler non plus de la fameuse amanite tue-mouches (Amanita muscaria) et son chapeau rouge moucheté de verrues blanc-jaunâtre. Tiens, en parlant de couleurs, jetez un œil au cortinaire violet (Cortinarius violaceus) ou encore du côté du strophaire vert-de-gris (Stropharia aeruginosa) au chapeau gris-bleuté margé de blanc !

Nous nous perdons dans les couleurs, mais que dire des formes ? Certains sont semblables à de minuscules lampes, comme la mycène délicate (Mycena smithiana). La vesse-de-loup (Lycoperdon perlatum) ressemble à une ampoule blanche émargeant du sol. Certains ont des airs de corail, comme la clavaire dressée (Ramaria stricta). Qui n’a jamais vu de polypores (genre Polyporus), ces sortes de coupelles encastrées en colonies dans le bois mort ? Un dernier pour la route ? Le cœur de sorcière (Clathrus ruber), sorte de grillage sphérique à la couleur vive rouge, orange ou rose !

A ce jour, 70 000 espèces sont recensées et de nouvelles sont découvertes chaque année. En réalité, la diversité de ce règne est telle que certains scientifiques émettent l’hypothèse qu’il existerait plus d’un million d’espèces de mycètes différents.

Polypore

Laetiporus sulphureus (polypore soufré)

Clathrus ruber

Clathrus ruber


Un précieux maillon

Naturellement, les mycètes ont besoin de se nourrir, et ils sont très bien équipés pour cela.

Premièrement, le mycélium (le corps filamenteux des mycètes) peut être extrêmement fin chez certaines espèces, à un point tel qu’il peut s’immiscer entre les cellules qui composent le bois, voire pénétrer dans ces cellules.

Deuxièmement, les mycètes assimilent les éléments par absorption (à la manière d’une éponge sèche qui absorbe l’eau). Pour ce faire, ils sécrètent des enzymes très puissantes, certaines pouvant même dissoudre des minéraux ! Ces enzymes transforment les éléments en une sorte de bouillie, qui est alors absorbée par le mycélium.

Troisièmement, les mycètes agissent presque toujours « en groupe ». Chaque espèce est spécialisée dans la dégradation d’un ou plusieurs éléments. En agissant de concert, chacun prélève sa part, à la manière des animaux : certains carnivores consomment la viande « fraîche », d’autres se contentent des charognes, et certains sont spécialisés dans les os !

Autant vous dire qu’avec un tel arsenal, les mycètes sont des partenaires potentiels de choix. Les associations avec des plantes et des animaux sont d’ailleurs nombreuses.

Chez les plantes, 90% d’entre elles sont associées à des mycètes au niveau de racines : on parle de mycorhization. Le mycète fournit les éléments issus des minéraux du sol, en échange des sucres produits par la plante via la photosynthèse.
Certains mycètes, en revanche, sont plus agressifs et parasitent des arbres suite à une blessure ou une maladie affaiblissant l’arbre. Ce dernier, même mort, constitue une importante source de nourriture pour des centaines d’autres mycètes, décomposant les différentes couches de bois au fil du temps.

Les animaux ne sont cependant pas en reste, car beaucoup profitent de l’action des mycètes décomposeurs pour se loger et se nourrir du bois partiellement dégradé (et donc plus facile à digérer). Les champignons sont également une source de nourriture pour bon nombre de mammifères et insectes. Certaines fourmis en cultivent même dans leur nid !
Mais parfois la situation s’inverse, car quelques espèces de mycètes parasitent des insectes, qui deviennent de véritables « hôtes zombies » !
Des abeilles domestiques ont également été observées en train de se nourrir des sécrétions de mycètes. Et l’on sait aujourd’hui que ces derniers ont des propriétés antivirales. Serait-ce alors une forme de vaccination naturelle pour les abeilles ?


Vous l’aurez compris, les mycètes sont des éléments indispensables à la bonne santé de nos plantes et forêts. Tantôt partenaires de vie, tantôt décomposeurs, prédateurs ou nourriture, médicaments ou poisons, ils incarnent un autre aspect extraordinaire que le monde vivant recèle. Fins gourmets, néophytes, passionnés ou simple promeneurs, prenez le temps d’observer ceux sans lesquels nos forêts seraient si pauvres.

* Petit rappel concernant la classification du vivant :
Imaginez-vous que le règne est un immense bâtiment contenant plusieurs salles (les embranchements), chacune remplie de conteneurs (les classes) où sont stockés des cartons (les ordres) qui contiennent des boîtes à chaussures (les familles) où l’on trouve les boîtes à bijoux (les genres) dans lesquelles se trouvent les bijoux (les espèces).


Merci à Jean-Paul MAURICE, pharmacien, écotoxicologue et membre de la Société mycologique de France, pour l’identification d’un certain nombre de champignons présents au Jardin.

Lenny Basso
Jardinier et guide-animateur au Domaine du Rayol