La plante du mois : Protéacées, ces belles méridionales !

La plante du mois : Protéacées, ces belles méridionales !

Le 26 janvier 2022

Pour cette nouvelle année, je vous invite dans l’hémisphère Sud ! En ce moment, les jardins d’Australie et d’Afrique du Sud sont à l’honneur. Les aloès arborescents et leurs fleurs rouges resplendissent sous la pergola tandis que la saison des mimosas a déjà bien commencé.
Vous appréciez la floraison éclatante de ces arbres et arbustes ? C’est le moment de venir les découvrir ou redécouvrir.
Les mimosas sont l’un des symboles de l’Australie. Cependant, dans cette partie du globe, une autre famille de plantes se distingue par des fleurs d’une diversité exceptionnelle et des couleurs qui ravissent petits et grands au Jardin. Je voudrais vous parler des Protéacées, une très ancienne famille de plantes.


Les protéacées: des origines anciennes

À quel point me direz-vous ? Nous retrouvons des traces (fossiles de feuilles, pollens..) qui datent de l’ancien supercontinent : le Gondwana. Rappelez-vous, c’est la partie sud du continent unique que l’on nomme la Pangée.
Certaines espèces existent donc depuis plus de 140 millions d’années, et dateraient d’avant la séparation de ce continent. Avant la séparation du Gondwana, les Proteacées se sont subdivisées en deux sous-familles : les Protéoidées que l’on retrouve en Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande ; et les Grevilleoidées, présentes surtout en Australie, en Amérique du Sud, au sud-ouest des îles du Pacifique ainsi qu’une espèce en Afrique.

La fracture du continent austral au début du Jurassique (160 millions d’années) en plusieurs continents (l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Australie et l’Inde, l’Antarctique) a entraîné celle des populations de Protéacées, qui ont chacune poursuivi leur évolution au fil du temps dans différentes conditions. Ces plantes ont continué à se diversifier. On les trouve aujourd’hui à Madagascar, en Asie tropicale, en Amérique latine : du Mexique au Chili et dans les îles de l’océan Pacifique (Nouvelle-Zélande, Nouvelle-Calédonie).

En étudiant la biogéographie des Protéacées (étude de la répartition de la flore et de la faune dans leur milieu biologique), plusieurs exemples de liens entre les flores du sud de l’Amérique, du sud de l’Afrique et d’Australasie sont mis en avant. Leur présence dans ces différents pays du globe, à travers leur évolution, nous permet de comprendre et d’expliquer en partie l’histoire de la dérive des continents.


Une diversité exceptionnelle

Depuis lors, cette famille s’est énormément diversifiée ! Aujourd’hui, nous connaissons plus de 80 genres et plus de 1 700 espèces. Cette famille est de l’ordre des protéales et, aussi étonnant que cela puisse paraître, génétiquement, elle a pour proches parents les platanes et le lotus sacré d’Egypte.

Ses espèces se répartissent dans des milieux plutôt tempérés à arides mais aussi dans des zones subtropicales à tropicales. Beaucoup d’entre elles peuvent vivre dans des conditions proches de la sécheresse et on les trouve surtout dans des régions avec une saison sèche prolongée. Cependant, quelques espèces ancestrales vivent en forêt humide.

Ces plantes sont prédominantes dans le mallee et le kwongan australien et le fynbos d’Afrique du Sud. Dans ces régions, plus des trois quarts des genres présents sont endémiques.
C’est l’Australie qui en détient le plus : près de 45 genres de Protéacées. L’Afrique du Sud en compte 14. La Nouvelle-Calédonie en détient 9 dont 6 endémiques. L’Amérique du Sud en a 8 dont 4 endémiques et enfin la Malaisie et la Nouvelle Guinée en comptent également 8, sans endémisme.


Caractéristiques des Protéacées

Ce sont des arbustes ligneux et des arbres rarement herbacés. Mais surtout, ce sont des plantes à feuilles persistantes souvent alternes et sans stipules entières ou finement divisées ou composées. Les plus grands spécimens se retrouvent parmi, les Grevillea (Grevillea robusta), les Hakea, les Protea, les Banksia, Helicia, Leucadendrons et Persoonia.

Isopogon sp.

Isopogon sp.

Hakea laurina

Hakea laurina

Banksia sp.

Banksia sp.

 

Les fleurs, parlons-en ! Elles font toute la beauté et la richesse de cette famille.
D’ailleurs, le nom de cette famille se rapporte aux Protea qui fait référence à une divinité de la mer, Protée. Celui-ci était protéiforme, il avait l’extraordinaire capacité de se métamorphoser et de changer d’apparence fréquemment. Chez ces plantes, ce sont les fleurs qui ont « hérité » de cette capacité.

Leurs fleurs sont généralement petites, malgré les apparences. Mais… avez-vous déjà entendu que l’union fait la force ? Ces petites fleurs ont appliqué ce proverbe pour nous ravir d’une grande variété de formes, de tailles d’inflorescences plus ou moins denses. Elles ont la forme de têtes d’épingle, d’artichaut, de brosse à dents, d’épis… Leurs couleurs sont souvent vives et attractives. Quelques exceptions existent auprès du genre Adenanthos qui est composé de fleurs solitaires.

Enfin, je parle de « nous » en tant qu’Homme, mais c’est surtout pour se rendre irrésistibles auprès des pollinisateurs. En effet, ces plantes sont très spécialisées et attirent différentes espèces d’insectes (abeilles, mouches et papillons de nuit), d’oiseaux (colibris, souimangas, promerops et méliphages) mais aussi des rongeurs, des petits marsupiaux et des chauves-souris.

Au niveau des fruits, les protéacées forment des follicules, c’est-à-dire un fruit sec « déhiscent ». Ce mot vient du latin dehiscens qui signifie s’entrouvrir. Nous avons affaire à des fruits tels que ceux de l’anis étoilé par exemple, qui s’ouvrent spontanément à maturité pour libérer les graines.
Certaines espèces produiront des fruits secs indéhiscents tels que des akènes ou des nucules tels que les noisettes et les glands (ils ont une enveloppe protectrice coriace). Vous l’aurez compris, cette catégorie ne s’ouvrira pas à maturité pour libérer les graines, elles auront besoin d’un coup de pouce de mère nature.
Nous retrouvons aussi des fruits charnus appelées des drupes.


Des adaptations à la sécheresse et aux feux saisonniers

La plupart des espèces développent des racines dites protéoides, qu’elles produisent en cas de carence en phosphore ! En cas de manque dans le milieu, elles produisent des racines qui leur permettent d’absorber beaucoup plus de nutriments. Elles exsudent des substances chimiques pour faciliter la mobilisation et l’absorption du phosphore. Cette particularité empêche la symbiose de ces espèces avec les champignons.

Plusieurs membres de cette famille ont des adaptations, par exemple des lignotubers (tubercules ligneux souterrains) comme le roi protée, plante symbole de l’Afrique du Sud.

Les graines des protéacées peuvent être cachées et conservées plusieurs années après la maturation des graines dans leurs fruits en attendant le passage du feu. On parle de sérotonie.
Ce sont des espèces pyrophiles dont le cycle de vie dépend du feu. Certaines d’entre elles se servent du passage du feu pour survivre et se reproduire. En effet, par sa chaleur et la composition chimique de la fumée, le feu altère le tégument, la couche protectrice de la graine, et la rend perméable. Cette étape, nécessaire, va permettre à l’eau fournie lors des pluies d’automne et à l’oxygène de pénétrer dans la graine et ainsi de lever sa dormance.
Les banques de graines bénéficient ainsi de l’espace et de l’apport des cendres.
Celles-ci sont dispersées par les vents, les pluies et les animaux.


Les Protéacées: des plantes ornementales mais pas seulement…

Cette famille de plantes a un énorme succès pour ses aspects ornementaux dans les jardins et les parcs. Les espèces sont cultivées en climat tropical, subtropical et tempéré comme fleurs coupées pour les bouquets, comme brise-vent, pour leur feuillage distinctif parfois blanchâtre et doux.
On retrouve par exemple au Jardin des Méditerranées des Grevillea, des Protea, Hakea laurina, des Leucadendron, des Isopogon

Grevillea sp.

Grevillea sp.

Protea cynaroides

Protea cynaroides

Leucadendron sp.

Leucadendron sp.

 

Certaines espèces de Leucadendrons, Proteas et Grevilleas ont un intérêt économique et produisent un bois de construction de qualité, du bois de chauffage ou de décoration.
D’autres espèces sont produites pour leurs graines comestibles. Vous connaissez sûrement le noyer du Queensland, présent sur la côte est de l’Australie, qui fournit les fameuses noix de Macadamia (Macadamia integrifolia).
Un autre exemple de graines comestibles se situe dans les forêts humides du Chili. Il s’agit du noisetier du Chili, Gevuina avellana, un arbre au feuillage rougeâtre à l’allure de fougère introduit en Europe en 1826. Il est connu pour ses noisettes au goût de châtaigne et riches en huile.

Cet énoncé ne constitue que des prémices sur cette famille de plantes. Elle a initialement inspiré un jardin austral à Gilles Clément et est largement représentée dans les biomes méditerranéens de la planète.
Les Protéacées nous montrent le génie de l’évolution des plantes à fleurs et leurs adaptations à différents milieux de vie.

Pauline Arnéodo
Guide-animatrice au Domaine du Rayol

 

Sources :
Ce qu’il faut savoir sur la Pangée, cet ancien supercontinent qui couvrait la Terre il y a 300 millions d’années
Introduction et culture des protéacées dans le sud de la France – Jardins de France.
Proteaceae spread by continental drift and transoceanic dispersal
Proteaceae (gbif.org)
Proteaceae — The Plant List
Plantes et botanique : Famille des Proteaceae (plantes-botanique.org)
Proteaceae Juss. (worldfloraonline.org)
Proteaceae Juss.
Proteaceae – La Famille des Proteacées | Conservation Nature
Proteaceae sud-africaines : des fleurs flamboyantes – Monaco Nature Encyclopedia
Un aperçu de botanique – Tela Botanica
https://books.openedition.org/pur/38834?lang=fr
http://gardenbreizh.org/modules/gbdb/plante-810-gevuina-avellana.html
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3534566/pdf/1471-2148-12-223.pdf
Introduction et culture des protéacées dans le sud de la France – Jardins de France
Hallé F., Keller R. Mais d’où viennent les plantes : une approche graphique de l’architecture de 40 familles de plantes à fleurs. 2019. Actes Sud. p. 30 à 36. https://www.actes-sud.fr/sites/default/files/9782330126674_bd.pdf
Photo couverture : Leucospermum cordifolium © Domaine du Rayol, Louis Cargill