Focus : Les palmiers… Des arbres ?

Focus : Les palmiers… Des arbres ?

Le 25 janvier 2021

Ah, un grand débat… Un palmier est-il une herbe ou un arbre ?
« Qu’est ce qu’un arbre ? » me direz-vous…


Définition

Selon la définition de Francis Hallé, botaniste des régions tropicales :
« Un arbre est une plante à longue durée de vie, possédant un tronc de grande hauteur, autoportant, vertical et de gros diamètre, auquel sa structure et son anatomie confèrent une rigidité suffisante pour élever le feuillage au-dessus des plantes concurrentes pour la lumière ; fréquemment, mais pas toujours, le tronc de l’arbre est porteur de branches. Les aspects quantitatifs, hauteur, diamètre du tronc, longévité, sont à évaluer par rapport aux dimensions et à la durée de vie de la personne humaine. »
Si nous nous basons sur la définition de Monsieur Hallé, ce ne pourrait être qu’une question de perspective et de vocabulaire.

En effet, l’allure générale d’un palmier se rapproche fortement de ce que l’on qualifie d’arbre. D’ailleurs, Charles Darwin qualifiait Jubaea chilensis d’« arbre très laid ».
Tout comme les arbres, les palmiers peuvent vivre plusieurs décennies, des espèces mesurent jusqu’à 60 mètres (Céroxyle des Andes) et d’autres sont capables de se ramifier à partir d’une certaine hauteur comme le palmier doum (Hyphaene thebaica). Enfin, ces grandes plantes possèdent également un axe robuste et autoportant, le stipe.
Il existe pourtant des différences entre un tronc et ce que l’on appelle un stipe.


Les palmiers, des plantes primitives

Les palmiers font partie des monocotylédones arborescentes. Ce sont des plantes primitives qui datent d’il y a 80 millions d’années. Dans cette classe, il y a aussi bien de petites herbes telles que les lys, les orchidées, les graminées que des formes arborescentes telles que les palmiers, les Yuccas, les Nolinas, les Dracaenas, pour n’en citer que quelques-unes.

Cussonia paniculata, Jardin d'Afrique du Sud

Cussonia paniculata, Jardin d’Afrique du Sud

Yucca sp., Jardin d'Amérique subtropicale

Yucca sp., Jardin d’Amérique subtropicale

Dracaena draco, Jardin des Canaries

Dracaena draco, Jardin des Canaries

 

Monocotylé… quoi ?! Chez les plantes à fleurs, ou angiospermes, nous distinguons deux grandes classes : les monocotylédones et les dicotylédones. Ces plantes sont reconnaissables par des feuilles à nervures parallèles, un système racinaire très ramifié avec des racines dites adventives qui peuvent pousser directement sur la tige principale, et des vaisseaux conducteurs de sèves répartis sans disposition particulière dans la tige. Ces végétaux ont une graine qui est constituée d’un seul cotylédon (première feuille) contrairement aux dicotylédones qui en forment deux. Le cotylédon permet à la plante d’accéder aux réserves nutritives présentes dans la graine et de commencer la photosynthèse.

En botanique, la croissance en longueur d’une plante est souvent réalisée par des tissus dits primaires. En revanche, la croissance en largeur des différents axes de la plante est assurée par des tissus dits secondaires tels que le cambium à l’origine de la production de bois. Au cours de l’évolution, la structure de ce bois a évolué. Les vaisseaux conducteurs de bois sont apparus plusieurs fois et indépendamment au cours de l’évolution des plantes. Ceux-ci ont pour rôle, tant que les cellules sont vivantes (aubier), de conduire les sèves jusqu’aux différents organes de la plante. Lorsque les cellules sont mortes (duramen), le bois a une fonction de soutien et de protection mécanique.


Mais alors, le stipe, quèsaco ?

C’est la tige robuste des palmiers et autres monocotylédones arborescentes. La quasi totalité des monocotylédones ne peut pas s’accroître en épaisseur car elles ont perdu la capacité de mettre en place le cambium.
Celui-ci a une production saisonnière sous les climats tempérés. Ainsi, on observe chez un arbre une croissance annuelle disposée en cercles concentriques plus ou moins marqués, les cernes. En fonction des familles, des genres et des espèces, la disposition des éléments composant le cerne peut varier et celui-ci aura une structure propre.

Un stipe de palmier ne possède pas de strie de croissance ni de tissu secondaire. Les fonctions de conductions de sèves sont assurées par des tissus dits primaires, spécialisés, qui sont produits et renouvelés au cours de la vie de la plante. À partir d’un bourgeon terminal unique, les feuilles apparaissent une à une. La tige est issue d’un empilement de la base des feuilles (le pétiole). On observe d’ailleurs sur le stipe les cicatrices des feuilles qui sont tombées. En interne, la structure est plus souple, avec un tissu de réserve qui donne aux palmiers une souplesse et une élasticité pour résister aux vents violents, cyclones etc. Les tissus périphériques se durcissent pour apporter de la robustesse au stipe.

Coupe d'arbre

Coupe d’arbre

Coupe de stipe de Yucca sp.

Coupe de stipe de Yucca sp.

 

 

 

 

 

 

Un palmier peut ne former qu’un seul stipe, dit solitaire, ou plusieurs, dits cespiteux (Chamaerops humilis par exemple).
Certains palmiers ont des fibres plus dures et plus compactes comme le Patawa (Oenocarpus bataua) dont le stipe est utilisé dans la construction de planchers, de meubles. Le stipe des palmiers est également utilisé et apprécié en ébénisterie.

Mais nos amis les palmiers (Arécacées) ont développé d’autres astuces. Les tissus primaires sont capables de mettre en place au niveau du bourgeon, d’autres tissus[1] qui permettent l’accroissement du diamètre quelques années à partir de la germination jusqu’à atteindre une taille donnée. Ainsi, le palmier pousse en diamètre les premières années, il prendra de la hauteur par la suite. Les arbres, eux, ont tendance à grandir plutôt en hauteur puis à s’élargir.


Petite subtilité…

Un stipe

Un stipe

Chez les palmiers, le diamètre du stipe peut varier aussi en fonction des années sèches et humides. Lorsque la plante grandit, le nombre de canaux de sèves composant le stipe se multiplient pour répondre aux besoins de la plante. Ainsi la densité des tissus augmente et les parois s’épaississent. Le chargement en eau des cellules amène également les fibres du stipe à s’épaissir. Enfin, la tige peut s’accroître pour suivre la formation des racines secondaires qui permettent à la plante de s’ancrer fermement dans le sol. Cependant, cet accroissement reste limité. Ne cherchez donc pas à connaître l’âge de votre palmier de cette manière !

Chez les Agavaceae et les Dracaenaceae, il y a également une croissance secondaire, différente du cambium[2] qui est mis en place. En effet, les monocotylédones contiennent une certaine quantité de bois mais en proportion moindre (exemple de certains Yucca).


Que conclure ?

Malgré les similitudes avec la définition classique d’un arbre, il n’en reste pas moins qu’un tronc et un stipe possèdent des structures distinctes.
Peut-être pouvons-nous dire que les palmiers sont des herbes qui se prennent pour des arbres…

Pauline Arnéodo
Jardinière et guide-animatrice au Domaine du Rayol

[1] méristèmes d’élargissement primaires
[2] méristèmes d’élargissement secondaires
Sources :
– Chouard Pierre (1936). La nature et le rôle des formations dites « secondaires » dans l’édification de la tige des Monocotylédones, Bulletin de la Société Botanique de France, 83:10, 819-836, DOI: 10.1080/00378941.1936.10834040 : https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00378941.1936.10834040
– Heinz Christine. Bois au microscope : le bois dans la plante, la formation et les structures anatomiques du bois. La Garance voyageuse n°132, 2021.
– Albano Pierre-Olivier. La connaissance des palmiers, culture et utilisation. Edisud, 360 p.